Entre mythe et réalité, les monstres ont longtemps fasciné les plus grands artistes du monde entier. Martial Guédron, un historien de l’Art aguerri, en a fait le cœur principal de plusieurs de ses ouvrages, dont notamment « Les Monstres » (Beaux Arts Éditions). L’auteur a traité le sujet sous toutes ses formes et il en a fait de très belles synthèses dans la revue Beauxarts. Nous le suivons ici pour reconstituer un tableau chrono-thématique des monstres avec leur évolution dans le temps.
Drôleries, diableries, songes…
Dans le premier épisode de son ouvrage, publié le 31 octobre 2018, Martial Guédron peint le monde drolatique des personnages grotesques et des diableries. Ces êtres hybrides nés de l’imaginaire seraient apparus dans les livres et les images à la fin du Moyen Âge.
Tandis que les politiques conservatrices du Moyen Âge commencent à s’assouplir en Europe. Le savoir profane tend, quant à lui, à gagner plus de terrain. Ainsi voit le jour une forme d’art plus sombre, plus occulte, d’abord en France, puis en Angleterre, l’Italie et l’Allemagne. Le monde des grylles, des démons composites, des drôleries, des diableries venait d’éclore et envahissait les romans, les monnaies, et même les cathédrales gothiques.
L’apparition du dragon
Longtemps considéré comme un mythe dans de nombreuses cultures, le dragon a fait son apparition dans les ouvrages de sciences naturelles au Moyen Âge. Cette créature de légende, que l’on décrit aquatique ou ailée, ne date pas vraiment du Moyen Âge. Des textes anciens de l’Antiquité faisait déjà mention de ce monstre aux griffes puissantes et au souffle mortel. Décrit sous toutes les formes, sans jamais changer d’apparence, le monstre cracheur de feu répand sa légende toutes les œuvres artistiques, allant des emblèmes aux bijoux, jusque dans les temples et les demeures.
Merveilles vivantes, êtres difformes et transgressifs
Adulés par les grands souverains d’Europe, les êtres humains hors norme, difforme ou transgressifs ont longtemps fait vibrer les gens de la bourgeoisie. Ces créatures étranges, des merveilles vivantes de l’imagination ont fasciné des millions de personnes dans le monde souvent avec la plus grande cruauté. Auparavant exhibés dans les cirques, ces êtres anormaux sont devenus des sujets de choix pour les artistes. Comme en témoignent les collections de l’archiduc Ferdinand II, des peintures où figurent des femmes à barbe, des géants, des nains… Désormais, à l’image de l’Elephant man de David Lynch et du pauvre Joseph Merrick, ces exhibitions souvent douteuses dans leurs principes, nous semblent appartenir à des temps révolus.
Spectres, revenant et fantômes
Notre siècle connait encore bien les spectres et des fantômes. Ils alimentent de leur présence les anecdotes de bien des vieux bâtiments et ils font aussi les choux gras des programmes spécialisés dans le surnaturel. Admirées par les poètes et les peintres du romantisme, ces créatures de la nuit envahissent l’Europe vers la fin du XVIIIème siècle.
Juste au moment où le Siècle des Lumières tire sa révérence, un nouveau monde sombre vient pointer le bout de son nez, celui des ténèbres. De l’obscurité et du noir sortent créatures de la nuit, qui relèvent du cauchemar, de l’hallucination, du délire : les spectres, les fantômes et les vampires, etc.
Chaque époque a-t-il ses monstres ? Sans doute. Certains perdurent et traversent le temps. On dirait presque qu’ils accompagnent l’humanité depuis l’éternité. D’autres sont plus modernes même s’il est vrai qu’au fil du temps l’innovation devient de plus en plus difficile. La créativité des artistes, illustrateurs, auteur est donc mis à rude épreuve.